Des baffes ! Je me foutrais des baffes… mais quelle imbécile.
Je suis folle de colere, et cherche une chose pour passer mes nerfs. Son paquet de cigarette traine sur la table basse, parfait, c’est le moment ideal de me remettre a fumer.
La stuyvesant bleue me fait un bien fou. J’avais oublie a quel point c’etait bon. Ma poitrine se dessert un peu, ma colere cede bientôt la place a une irrepressible envie de rire. Je me sens tellement legere alors que je devrais passer a la scene trois, et commencer ce que je fais tres bien, lui soutirer de l’argent.
Mais c’est difficile maintenant.
Je me repasse le film des trois dernieres heures… qu’est ce qui a cloche ?
Le coup de telephone pour lui dire que le diner était a mon appartement, le menu faussement simple, le « sur le pouce d’hediard », la conversation animee sur les collections celebres, mon laius sur ce nouveau venu tres tres prometteur dans le monde de la peinture, le tout arrose d’un excellent cru de bordeau blanc.
Puis les choses plus serieuses, sa main qui s’avance, je me laisse caresser, d’abord sans rien faire comme si je ne ressentait rien. Puis je me laisse embrasser, deshabiller, sur le canape, car avec sa femme il fait toujours l’amour au lit alors c’est plus exotique.
C’est la que ca s’est corse. D’habitude c’est comme un scenario bien rode. Une machine bien huilee. Jamais ca ne m’était arrive…
J’ai reagis. Pour de vrai. J’ai commence a ressentir que je perdais le contrôle. J’ai boien essaye de le reprendre et j’ai cru y arriver, mais non j’ai tout lache.
Et voila, apres toute cette vie a etre maitresse de moi, de mes reactions, de mes emportements… je me mets a jouir. Comme une conne… La colere me reprends. Ca n’aurait jamais du arriver. Jamais, et surtout pas avec Marc.
C’aurait été avec toi encore, c’aurait été avec quelqu’un d’autre je n’y aurais pas accorde d’importance, ou plutôt si, j’aurais été ennuyee, mais avec lui… Oh non, non, non !
Le bruit du vase que je viens de briser sur le sol de marbre est assourdissant. Cela calme mes nerfs immediatement.
Mais qu’ est-ce que tu fais ? Qu’est ce qui ne vas pas ? le visage de Marc est vaguement inquiet devant cette furie enroulee d’un drap, au milieu des debris de cristal.
Devant l’absurdite de la situation, j’eclate de rire. Et nous nous mettons tous les deux a rire, cela se transforme en fou rire, nous en pleurons… Nous n’arrivons plus a nous arreter. Nous avons de nouveau 20 ans, ma vie est encore devant moi, je suis amoureuse pour la premiere fois, et je viens de vivre ma premiere fois.
Je suis encore emerveillee qu’il m’ai defloree avec tant de tact, de douceur. J’ai eu mal, je n’ai pas eprouve le plaisir que les magasines idiots me promettait, mais le simple fait d’avoir fait l’amour avec celui que je convoitais depuis un an, me faisait penser et passer a autre chose.
Il fut tendre et prevenant, et nous recommencames, encore et encore, jusqu’a ce que j’ai trop mal. Mais je ne lui ai rien dit… j’avais si peur qu’il ne se vexe et ne veuille plus me voir. C’est lui qui a declare n’en plus pouvoir.
Puis nous refimes l’amour tout un hiver, plusieurs fois par jour, toutes les fois que c’était possible. Je n’ allais bien sur plus en cours, mais rien ne m’interessait hormis etre a lui, me peletonner dans ses bras apres, et sentir son desir renaitre encore et encore. Cela devenait une drogue. J’aimais par-dessus tout sentir le pouvoir que j’ avais sur son sexe, le faire durcir d’une simple caresse, puis voir son regard chavirer alors que j’en osais une nouvelle.
Je n’eprouvais toujours pas de plaisir, mais tant pis. C’était secondaire, puisque JE lui donnais un orgasme. Cette toute puissance m’enivrais, j’etais, au sens premier du terme, sa maitresse. La toute puissante maitresse de sa jouissance, de son plaisir.
Je me mis a chercher de la literrature sur le sujet, et je lu les ouvrages des grandes courtisannes et les contes erotiques du XVIII e. Je devins une amante imaginative et concentree. Je lui disais que j’etais prete a tout pour lui.
Je sentais bien que nous n’etions pas comme les autres « couples » de la fac. Nous ne sortions jamais dans les bars, n’allions pas aux expositions, ne faisions pas les mercredis au cinema, n’allions pas nous promener dans Paris.
Nous passions notre temps dans sa chambre et le temps froid de février céda la place a une douceur printanière. Je lui suggerais que nous pourrions aller au jardin du Luxembourg, tout prêt, pour une fois.
Il me dit que seul mon cul l’interessait et que marcher main dans la main ne faisait pas partie de notre relation. Je n’en fut meme pas blessee, tant mon role me convenais. C’est a ce moment la qu’il me parla pour la premiere fois d’essayer autre chose, pour eviter l’ennui, la routine. Je le laissais m’expliquer son idee.
Il connaissait un groupe de jeunes, des mecs et des nanas de son groupe de reflexion qui « faisaient des trucs ». Quels « trucs » ? Des choses nouvelles, des essais pour inventer autre chose. Ils ont une approche globale de la societe et le sexe est une des voies les plus novatrice. Je ne comprenais rien mais j’ etais prete a essayer pour lui, pour rester maitresse de sa vie sexuelle. Cette place je la tenais et pour une fois dans ma vie j’etais importante, et comme tout le monde, et desiree. Je ne laisserais pas ca m’echapper alors c’est le cœur leger et le corps disponible que j’allais a notre premiere reunion.
En fait de groupe, il n’y avais que des hommes. Pas des garcons, non des hommes d’age mur. Des messieurs tres sympathiques, cultives, qui menaient des debats animes et fort interessants sur des sujets divers.
Marc me dit que ce soir la c’était comme ca mais que bon ce n’était pas bien grave parce que lui ca l’excitait de me voir partir, d’imaginer, puis de rentrer et que je lui refasse la même chose a lui.
Je sentais bien que quelque chose clochait mais rien que l’idée que je puisse le perdre me faisait accepter toutes ses fantaisies.
Mon premier client, je ne sus pas qu’il payait. Il fut gentil et charmant. Je ne me souviens pas combien de temps cela dura mais j’essayais de retenir ce qu’il faisait pour le refaire a Marc.
En effet de retour a l’appartement, ce dernier me proposa pour une fois de passer la nuit entière avec lui. Cette progression dans notre intimité me bouleversa, et me paya pour la vague honte que je ressentais.
Il fut honnete, et me dit tout. Que le copain en question était en fait un mec qui avait envie de quelqu’un de jeune et que ce « service » fut bien rétribué.
J’entrais dans une colère absolue. Il était devenu un maq, et avait fait de moi une pute.
Je claquais la porte et rentrais chez mes parents en larmes.
Ma sœur venait de partir, ma mere était confite de desespoir, mon père nous fuyais quelque part en Afrique de l’ouest avec son regiment, et moi j’etais devenue une prostituee.
Je retournais le lendemain a la fac, les yeux rouges et je me mis a fumer.
Et il était la… je ne voulais plus le regarder, mais rien que sa presence me brulait. Je sentais son regard dans mon dos. Je me mis a ne plus dormir, n’arrivant plus a manger. J ;essayais de me sortir de cette dependance, et un soir n’ en pouvant plus j’essayais de parler a ma mere. Sa reponse fut cinglante :
-Ah non, ne vas pas plus loin… Une depravee dans cette famille ca suffit. JE ne TOLERERAIS pas qu’une autre Leclerc de Ferrand se conduise mal. Alors avant d’aller plus loin, Selena, fais bien attention a ce que tu vas dire.
Le regard de ma mere m’empecha d’aller plus loin. Comment expliquer a cette femme, que tous qualifaient de parfaite, qui faisait l’admiration des autres epouses de la garnison, et la fierte de son colonel de mari, qui venait de voir sa fille de 17 ans, enceinte partir retrouver un amant africain, que sa fille ainée était tombée amoureuse d’un proxénète. L’enormite de la chose arreta la confession au bord de mes levres.
En desespoir de cause, j’ecrivais a ma sœur, juste pour me confier, sachant que la lettre ne lui parviendrai jamais.
J’ etais de plus en plus mal. Je ne supportais plus la fac, mais encore moins de ne pas le voir et la, je savais que je le trouverai.
Quatre semaines plus tard, je voulus avaler un tube de somnifere, mais je n’eu pas le courage, et je sus que je devais faire quelque chose. Sortir de cette souffrance, mais n’ayant pas le courage de mourir, je devais le retrouver et reprendre cette relation qui était devenu mon oxygene.
Je pris le parti de venir chez lui. Nous n’avons rien dit, n’avons pas fait l’amour mais juste passer la nuit dans les bras l’un de l’autre. Ce n’est que devant un cafe creme, le lendemain qu’il me dit qu’il avait besoin d’argent. Je lui dis que j’avais besoin de lui.
Et la, 15 ans plus tard, alors que je met en place la vengeance que je muris depuis si longtemps et qui devait me liberer , je jouis pour la premiere fois de ma vie.