Je suis en retard, le taxi fonce vers Roissy, mais je vais louper mon avion... Comment te joindre, et surtout comment te dire... pourquoi, d'ailleurs, te le dire ?
Encore t'entendre geindre, t'apitoyer sur ton sort :
- Je suis seul, si seul, plein de trous, quand tu n'es pas la.
Et je me laisserai attendrir par tes larmes ou ta colere.
Mais l'amour est loin ou pres, encore la ou pas encore totalement parti, alors lorsque Minou me demande de la rejoindre, je ne fais ni une ni deux, je saute dans un taxi avec ma legere valise et mes tonnes d'amertume...
- Madame, eh oh madame, vous etes arrivee...
La porte de l'enregistrement clignote, je cours comme je te fuis... la douane se passe etrangement bien, avec, aussi, une sorte de lenteur, comme pour me dire :
- Tu fais le bon choix - cours ne te retourne pas.
J'aime les avions et cette sorte de paix du decollage. Tout le monde attends, sagement, en pensant a sa vie, comme si demain etait incertain...
Je suis a cote d'une fille qui pleure, elle a peur, elle se signe et dans un geste enfantin elle me prends la main...
- Excusez-moi, je suis bete mais je n'aime pas l'avion.
- Alors pourquoi le prenez-vous ? dis-je mechament.
- Pour rejoindre Fatoumi
- mon fiance ! dit-elle devant mon air interrogateur
- Ah l'amour, je me decide a sourire devant son air juvénile et les larmes séchées qui laissent des traces sur son visage blême.
- Oui il est... parti. Il y a une semaine. Les flics sont arrives alors qu'il etait au guichet pour la regularisation. Pourtant il avait tous les papiers, mais ils lui ont dit que c'est comme ca, ils en prennent un sur trois, ou sur quatre, quand les enfants sont avec les parents ils n'osent pas toujours.
- Ah il est clandestin ? je ne m'y interresse deja plus.
- Oui mais nous devions vivre ensemble apres mon diplome.
Elle sourit, me decrivant leurs gentils projets, un travail fixe, une maison a credit, un chat, et, bien-sur des enfants... le tout avec un air de ravi de creche.
J'ouvre un livre, agacee, son bavardage m'ennuie.
- Pardon, je ne sais pas ce qui me prends de vous dire tout cela, mais je suis triste de quitter mon pays, et puis j'ai peur, mes parents ne sont pas d'accord, et puis je ne le connais peut-etre pas si bien... sa voix se brise dans un sanglot.
Je la considere, elle est banale, mais si touchante dans son desarrois.
Suis-je encore capable d'etre comme elle, je me sens seche, vide, pleine de trous comme toi.
Dans un eclair je comprends ce que tu me dis depuis tant d'annes...
Je suis incapable d'aimer,
et surtout pas moi.
vendredi 20 juin 2008
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3 commentaires:
très beau texte ! j'adore l'écriture haletante , elle nous tient en haleine jusqu'au mots fatals de la fin
Bravo ! tu t'es lancee... et me voila accro a ton style envoutant... encore !
la suite! la suite!
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